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8 novembre 2011 2 08 /11 /novembre /2011 10:05

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Pas une semaine ne se passe sans qu’une rumeur relative à ce match ne se faufile dans les colonnes sportives, gracieuseté du promoteur George « Tex » Rickard, déjà passé maître dans l’art de monter en épingle les histoires les plus anodines.

Dans ce cas-ci, Rickard n’a pas à travailler très fort. Véritable controverse sur deux pattes, Johnson, le premier champion du monde des poids lourds de race noire, garantit par sa seule présence un fort battage médiatique. Fidèle à son habitude, il multiplie les frasques, méprisant les conventions et laissant libre cours à son intarissable bagou. Le Galveston Giant – 6 pieds 1 pouce, 208 livres – fait à la fois le bonheur des journalistes et la honte de nombre de ses compatriotes, pressés de voir la ceinture de championnat revenir autour de la taille d’un homme blanc.

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Sur fond racial, cette confrontation entre Johnson et l’ex-champion Jeffries, investi après six ans d’inactivité de la mission sacrée de restaurer l’honneur de sa « race », captive l’Amérique. Elle intéresse même ceux qui souhaitent l’abolition de la boxe, un groupe bien organisé qui a déjà fait dérailler l’organisation du combat en Californie, ce qui explique sa tenue à Reno, au Nevada

 

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Montréal n'échappe pas à cette folie. L'après-midi du 4 juillet, des milliers de personnes se rassemblent au Maisonneuve, terrain de l’Association athlétique d’amateurs Le National, pour assister au match tant attendu.

 

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Jack Johnson est un boxeur américain né le 31 mars 1878 à Galveston, Texas, et mort le 10 juin 1946 à Raleigh, Caroline du Nord. Surnommé « le géant de Galveston », il fut le 1er champion du monde poids lourds noir entre 1908 et 1915.

Johnson remporta son 1er titre le 3 février 1903 en battant "Denver" Ed Martin en 20 reprises pour le Colored Heavyweight Championship. Il défia alors le tenant du titre mondial, James J. Jeffries, mais ce dernier refusa le combat. Les boxeurs noirs pouvaient en effet boxer contre des blancs dans toutes les catégories à l'exception des poids lourds, la plus prestigieuse.

Jack Johnson brisa ce tabou en affrontant le 26 décembre 1908 le Canadien Tommy Burns à Sydney. Le combat dura 14 rounds, avant que la police n'intervienne pour l'interrompre. Les arbitres attribuèrent alors le titre à Johnson sur décision. De fait, Johnson avait puni son adversaire et l'avait mis KO technique. En 1909, il bat Victor McLaglen, Frank Moran, Tony Ross, Al Kaufman, et le champion des poids moyens Stanley Ketchel.

Sommaire  [masquer] 

 

En 1910, l'ancien champion invaincu des poids lourds James J. Jeffries sort de sa retraite et annonce « Je vais combattre dans le seul but de prouver qu'un homme blanc est meilleur qu'un Nègre »1. Jeffries n'avait pas combattu depuis six ans et dut perdre environ 100 pounds pour faire le poids. Il semblait avoir le support de tous les blancs américains et de tous les médias, ainsi Jack London écrivit : « Jeffries gagnera sûrement car l'homme blanc a 30 siècles de traditions derrière lui - tous les efforts suprêmes, les inventions et les conquêtes, et, qu'il le sache ou pas, Bunker Hill et Thermopylae et Hastings et Azincourt »1.

 

 

Johnson contre Jeffries en 1910

Le combat eut lieu le 4 juillet 1910 devant 22000 spectateurs sur un ring monté pour l'occasion à Reno (Nevada). On pouvait entendre dans la salle le morceau "All coons look alike to me", un des titres phares du genre de musique Coon song caractérisée par sa présentation raciste des noirs américains. Les promoteurs du combat incitèrent même le public entièrement blanc à chanter « Tuez le nègre ! »2 avant et pendant le combat. Jeffries alla deux fois au tapis lors des 15 premières reprises de ce combat, ce qui ne lui était jamais été arrivé dans sa carrière. Son encadrement le poussa à l'abandon. Cette victoire de Johnson lui permit d'empocher 60 000 dollars et de faire taire les critiques à propos de son titre face à Burns. Nombre de spécialistes, faisant ouvertement preuve de racisme3, n'admettaient pas qu'un boxeur noir fût champion du monde des poids lourds, et considéraient le match Burns-Johnson comme non significatif. Pour eux, Jeffries était le champion invaincu. L'annonce de cette victoire fut marquée par des agressions racistes de blancs sur des noirs à travers tous les Etats-Unis4, principalement dans l'Illinois, le Missouri, l'Ohio, la Pennsylvanie, le Colorado, le Texas et les villes New York et Washington. Le poète noir William Waring Cuney publia un poème pour marquer ces évènements : My Lord, What a Morning. Certains états américains interdirent la diffusion du film du match puis interdirent que les rencontres de Johnson contre des boxeurs blancs soient filmées. En 2005, le film de ce match historique fut placé sur la liste du National Film Registry.

Johnson défraya de nouveau la chronique en épousant une femme blanche. Il dut fuir au Canada puis en France afin d'éviter la prison pour une violation de la loi Mann qui interdit le transport de femmes à travers les états en vue de prostitution ou d'actes dits "immoraux", faits qu'il réfute mais qui le condamnent à 1 an de prison5.

Johnson perd son titre le 5 avril 1915 face à Jess Willard lors d'un match disputé à La Havane (Cuba) devant 25 000 spectateurs. Prévu en 45 reprises, ce combat est arrêté après 26 reprises à la suite du KO de Johnson. Il revient aux Etats-Unis en 1920 où il purge un an de prison pour avoir épousé une femme blanche. Il divorce en 1924 et meurt dans un accident de la route en 1946. Une pièce de théâtre d'Howard Sackler, The Great White Hope (L'insurgé), raconte sa carrière.

 

Problème avec le racisme des années 1900

Le racisme écoeurant des années 1900, considere Mr Jack Johnson plus comme un animal qu'un être humain.

Il a été puni de l'amour porté à une jeune femme blanche.

 

Mais dans les journaux du lendemain, il est difficile de passer à côté du sentiment que vient d’éprouver l’Amérique blanche. Dans La Presse, on parle notamment d’ « humiliation profonde » pour la race. (3)

 

Le ton de cet éditorial en dit d’ailleurs long sur l’état d’esprit du temps : « Nous croyions déjà avoir sur les fils de Cham (allusion aux gens de race noire) une suprématie, celle de l’intellectualité, mais il est évident qu’elle ne nous suffit pas. S’il faut en juger par l’événement, nous ne prisons pas moins l’honneur de détenir le record de la brutalité. » (4)

 

Décrivant Jeffries « comme un jouet dans les mains du nègre », l’auteur rappelle en ces mots les tristes conséquences de cet affrontement : « Comme on devait s’y attendre, ce sont les nègres qui ont payé pour cela dans les divers États américains. Un grand nombre ont été massacrés et brûlés, dans le Sud, comme compensation de la défaite de Jeffries. » De fait, Geoffrey C. Ward, un des biographes de Johnson, affirme qu’une dizaine de Noirs ont été tués à la suite de ce combat, et des centaines blessés. (5) Selon lui, aucun événement depuis l’émancipation, 45 ans auparavant, n’a signifié autant pour l’Amérique noire que la victoire de Johnson. Et aucun n’a suscité autant de violence raciale à travers le pays jusqu’à l’assassinat de Martin Luther King, en 1968.

 

« Que les hommes sont donc parfois d’étranges animaux ! » conclut La Presse à propos des répercussions du match Johnson-Jeffries. Un mot de la fin moralisateur qui n’impressionne pas Georges Pelletier du Devoir, aux yeux de qui il dissimule une navrante contradiction.

 

« La bataille fut disgracieuse. (…) Peu importait néanmoins à la Presse et à la Patrie. Toutes deux en ont fait grand étalage. Toutes deux aussi ont raconté avec de très légères variantes, l’échange de coups donnés dans l’arène. De tout ce qu’elles publient à ce propos, il ressort qu’on s’est assommé, à Reno, qu’on s’est poché les yeux, meurtri les poings, fêlé les mâchoires, et que les deux hommes ont partagé les recettes. Vous figurez-vous quels avantages ont retiré de ce récit de bataille les lecteurs des deux grands journaux jaunes ? Nous n’y parvenons pas, pour notre part . » (6)

 

Ce passage offre matière à réflexion sur la relation entre la presse et le sport-spectacle, un débat qui est déjà bien engagé en 1910. Rien toutefois pour émouvoir les amateurs de boxe dont l’intérêt se tourne maintenant vers l’émergence d’un autre espoir blanc – « The Great White Hope » - , capable de réussir là où Jeffries a échoué.

 

Détrôné par Jess Willard en 1915, Jack Johnson ne mettra finalement les pieds à Montréal qu’en 1924. Quatre mois après avoir livré un exhibition à Battling Siki à Québec (1e octobre 1923), l’ex-champion, âgé de 45 ans, dispute alors un 10 rondes sans panache – une « fumisterie » écrit La Presse - face à Homer Smith le 22 février.

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